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Je me souviens des crises de somnambulisme que j’avais pendant mon enfance. À l’époque où ma mère habitait le cours des arts et métiers à Aix-en-Provence (au numéro 11, je l’écris pour être sûr de ne pas l’oublier), cela m’arrivait souvent. J’ai autant en mémoire, maintenant, mes nuits et leur rêves que mes journées quotidiennes. Je me souviens, je devais avoir 6 ans, une boîte de légos se trouvait en haut d’un placard. Il fallait monter sur une échelle et encore, j’étais trop petit pour l’attraper.
Quand quelque chose allait mal, ou quand elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, ma mère avait pour habitude de me tendre un verre d’eau. Peut-être cela guérit tout les maux. Mais, plus certainement, un verre d’eau remplaçait le réconfort maternel qu’elle ne savait pas donner.
En pleine nuit donc, je me suis levé inconscient, en état somnambulique, par je ne sais quel moyen je réussi à attraper la boîte, et à monter un véritable château fort. Je devais me trouver dans un état bizarre. J’ai le souvenir de ma mère me tendant ce verre d’eau, et le lendemain, de trouver ce château, sans me souvenir véritablement par quel miracle il avait été construit, là, par terre.
Un autre souvenir remonte à un peu plus près. Je devais avoir 14 ans, au premier rue de la fraternité, toujours à Aix-en-Provence, cette fois chez mon père.
Je suis rentré en pleine nuit dans la chambre de mon père. « Papa, il y a un avion dans le salon ». Je n’arrivais pas à le convaincre. J’ai dû m’y prendre à plusieurs fois pour qu’il daigne se lever. Il me regardait en faisant une drôle de tête. Je l’ai mené vers le salon. Là je montrais l’avion du doigt. Mais il n’y était plus, je le constatais moi-même.
« L’avion n’est plus là, bon, ben je vais me coucher moi alors ».
Et je retournais dans ma chambre, aux murs recouverts d’une peinture orange.

Je me souviens très bien avoir dit tout celà, j’était toujours en état de demi-sommeil, mais ma mémoire, étrangement, fonctionne de manière très efficace dans le monde du rêve.
Quelques jours après j’ai vécu ma toute première crise d’arythmie cardiaque. Ce sentiment m’était alors inconnu, et je pensais, réellement, mourir sur-le-champ. Ma mère m’a tendu un verre d’eau. Maintenant c’est une habitude, un compagnon à ma vie, bien que j’ai jamais encore pu percer le mystère de ces crises d’arythmie qui surviennent sans raison palpable, quoi que j’ingurgite, quel que soit mon état psychique…
Mon père avait dit, à mon sujet : « je me demande si cette crise d’épilepsie (il ne comprenait rien de ce que c’était, ça n’avait rien de l’épilepsie) n’a pas un rapport avec la crise de l’autre soir, quand il s’est réveillé…. »

Une autre nuit, à l’âge de 7 ou 8 ans, je dormais dans la même chambre qu’une de mes cousines. Nous avions chacun notre lit, le sien, surélevé, sur un sommier, le mien, un simple matelas, par terre. Le lendemain matin, je me réveilla dans l’autre lit. Nous avions échangé nos places pendant la nuit. Cette fois je n’avais aucun souvenir du pourquoi. Selon ma cousine, laquelle riait beaucoup de ça, je l’avais réveillé en faisant des « grimaces de monstre », en la menaçant pour qu’elle me donne l’autre lit. Elle a dit avoir eu peur. Je pense qu’elle avait exagéré.