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Rachael est là de tout son poids, c’est à dire de pas grand chose. Une plume, au grand max. C’est à peine si le matelas fléchit. Il émane de chaque objet de la chambre une lueur violette, diffusée depuis la rue par les lampes au phosphore. Entre ses doigts le ventre écarlate d’une luciole est consumé lentement, des volutes s’en évadent. Elle pense y rester. Tôt ou tard, ça viendra. C’est dans l’ordre des choses. Les êtres comme elles n’ont pas été conçus pour un séjour prolongé sur la Terre. Avec son poids d’oiseau, elle finira par s’envoler. Broyée entre des mains inattentives, aimantes ou stratèges, peu importe. Elle terminera sa nuit dans les mains d’un chasseur. Le résultat sera le même. Elle rejoindra le paradis électrique. Les âmes vives autour sont nombreuses qui refusent de lui prêter vie. Elle y tient pourtant, depuis le premier jour. Sa mémoire, sans doute créée de toutes pièces. N’en va t-il pas de même pour les hommes ? Comment peuvent-ils être aussi sûrs de la véracité de leurs souvenirs ? Ils tiennent à cette certitude. Elle tient à l’existence. Non moins factice. Non moins poussiéreuse. Et non moins digne d’être vécue.