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Egon_Schiele-Sitzende_Frau_mit_hochgezogenem_Knie_-_1917

Le temps passe sans bruit entre les pages de ton livre
Il passe dans les plis de tes nappes, dans l’immobilité
De ton singe chinois de faïence, dans l’imperceptible
Courant d’air sous ta fenêtre, sous les bouchons de liège
Le temps passe dans l’eau de ton corps il attend devant la grille du jardin
Il suit tes empreintes sur les flacons ivres
Jusque dans ta cache secrète, il passe à mille lieux d’ici
Où va survenir le vent de l’estuaire, sous les marges laissées blanches
Sous les yeux du soldat posté sur le pas de ta demeure
Et de ta forteresse intérieure, sous les notes du piano
Sous tout ce qui crépite, ce qui nous environne, derrière les saisons
Dans la salle du bal, il passe sur le fil de nos réjouissances
Dans le phare qui brille au-dessus de la mer, sous les territoires coloriés
Des craies d’enfants, devant la porte des restaurants
Avant de remettre le couvert, avant que l’étranger n’intervienne
Il passe sur la taie de l’oreiller, dans la minute inattendue
Qui viendra nous réveiller, sous les plafonds de l’opéra
D’un bout à l’autre au creux de cette vie ordinaire
Le temps passe et compose à ton insu la mélodie du monde
Jusqu’à ce que tu l’interpelles dans sa course
Avec ta voix, avec ton mot merveilleux
Alors il s’arrête, ébloui

 

 

Peinture : Egon Shiele, deux filles assises