Sélectionner une page

Il y a tout un monde de reliefs, de crevasses, de rebondissements, de lignes et d’ondulations dans un drap froissé, alors qu’un drap tendu, parfaitement plat et repassé est ennuyeux à mourir je trouve, on s’y couche mais il ne nous est pas familier, il est trop idéal, froid, on ose à peine le toucher tellement il réflète une perfection qui n’est pas en nous et ne nous appartient pas, alors que les défauts, les cassures, elles, nous appartiennent et sont familières.

Cela participe aussi au souvenir qu’on se fait d’un poème, alors qu’un parfait parfaitement ficelé n’est pas marquant, il est lisse et glisse sur la mémoire, comme un visage sans défauts. Un poème avec ses imperfections, ses bizarreries, sera beaucoup plus marquant. En le relisant un jour on retrouvera les anomalies et on se dira « ah tiens, je me souviens de ce poème, avec ce défaut et le mot rêvasseuse qui sonne bizarrement dans le poème ». Le tout est de ne pas laisser indifférent je trouve.
Le vrai beau a toujours quelque chose, quelque part, qui nous déplaît ou nous met mal à l’aise.

 

 

attention je ne dis pas que le beau met complètement mal à l’aise.
Je dis que dans les plus grandes émotions provoquées par le beau il y a une toute petite pointe d’angoisse, de gêne, et qui augmente la pression sanguine, et multiplie l’émotion un peu comme lorsqu’on tombe amoureux. L’amour et le beau naissent d’une angoisse qui trouve enfin le moyen de s’exprimer, de s’épancher et de se sublimer.

Pense aux plus grandes émotions que tu as connu, celles qui t’ont le plus marqué et je pense que tu verras ce que je veux dire, il y a dans toutes une certaine anxieté, un trouble, et c’est justement grâce à ce trouble là qu’on s’en souvient.

Après tout, qu’est ce qu’une émotion, sinon une peur sublimée ?