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Je m’écarte un peu. Les sons variés du monde perdent de leur netteté. Un voisin referme une porte, tourne le verrou. C’est une note supplémentaire sur la partition de la nuit calme. Une voix, au loin, puis un rire se fait entendre. Mon esprit imagine le visage que recèle ce rire, avant que l’image ne s’évanouisse, à pas lents vers les profondeurs de la mémoire des choses abstraites. Le même visage surgira à nouveau dans d’autres lieux, dans d’autres sonorités. À l’intérieur d’autres pensées. Cette fois, c’est le son métronomique des gouttes d’eau sur les pavés de la cour intérieure. Je dissèque ainsi les modulations sonores qui se succèdent, comme je dissèquerais les nuages qui avancent en processions sur ma table de travail. Une léthargie monte dans mon sang, narcose induite par un flux d’événements sonores, hors de portée de mes yeux et qui vont se collisionner, puis ricocher à la surface liquide de mon imagination, avant de couler lentement, rejoindre l’abysse indiscernable où sont entassés les visages, les êtres, les voix, les choses. Ils vont rejoindre le fond cosmologique, le point aveugle du rêve, là où je ne peux plus les démêler mais d’où je devine distinctement, traversant les distances, une musique qui se joue pour moi.