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Pour ma part je pense que jamais aucun travail ne « coûte » quoi que ce soit, certainement pas le travail d’écriture, quitte à en perdre des litres de sueur, ou même 10 kilos pour écrire un livre, ce n’est jamais peine perdue, ça ne coûte rien ça. C’est même vivifiant je trouve. Ce qui coûte par contre, pour quelqu’un qui a ça dans le sang, c’est de ne plus écrire, pour diverses raisons. C’est n’avoir « plus beaucoup de musique en nous pour faire danser la vie » (je m’amuse à citer Céline mais d’ailleurs il n’avait pas toujours raison lui, il n’arrêtait pas de dire qu’il en souffrait énormément d’écrire ses bouquins, c’était pour se donner une posture. Un mystificateur…), ça, ça coûte beaucoup.
Ca fait bien de souffrir pour son travail, ça donne de l’importance, ça justifie sa petite existence d’écrivain. Je pense que c’est un cliché.
Mais il en existera toujours, des clichés. Tout ce qu’on invente aujourd’hui, demain, deviendra un cliché, quoi qu’il arrive.

Au fond, l’écriture, ce sont des petits morceaux de musiques et des boutures de style amoncelées les unes sur les autres et tout ce qui compte, c’est l’objet, le voyage en cargo qu’on offre à son petit lecteur de passage, c’est ça qui compte, faire passer le voyage comme un bonbon sous la langue, le divertir de son ennui de vivre, le reste, les infinies souffrances de l’écrivailleur, c’est bon pour nous les ouvriers que nous sommes et le lecteur ne doit pas savoir ce qu’il se passe dans la salle des machines, lui, il s’accoude à la balustrade, à l’avant du navire, regarde l’océan, avec stupeur ou dégoût, nonchalance de facade, fascination qu’importe, du moment qu’on arrive à ne pas le rendre indifférent, à le surprendre, quel que soit le moyen…A le braconner à coups de virgules, comme des hameçons. L’écrivain souffre seul, dans les cales, il ne voit pas la mer, il l’imagine et la décrit mieux de fait, il transgresse la réalité, en éclaireur, il rêve de soleil de là où il est, isolé, à tourner autour de son ombre.