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Les points sont là pour coller au mieux au rythme des mots en grappes, tel que l’inspiration les expectore, ce soir là en tous les cas. Ça pourrait être des retours à la ligne mais pour des raisons que je ne m’explique pas tout à fait il est souvent plus facile pour moi d’écrire de cette façon. Les retours à la ligne ça intimide. Comme un amoncellement de retours à la case départ, un cortège de décrochages. Il y a l’aspect bloc aussi qui apparaît dans mon logiciel qui imite une machine à écrire — le logiciel est un rectangle blanc et rien d’autre. Souvent je me dis qu’il est préférable d’écrire un poème en bloc lequel par la suite si besoin on peut découper en tranches, en lignes succinctes. C’est la grande difficulté de l’écriture en ce qui me concerne (car je ne suis pas né pour écrire, celle-ci m’est considérablement difficile) tordre son esprit ainsi que le médium pour que les deux se synchronisent d’une certaine façon se combinent de manière idéale afin que le flux de l’inspiration puisse s’exprimer à un régime qui ne soit ni l’incontinence inconsistante de l’automatisme ni le vrombissement lent d’une machine inertielle qui hoquette à chaque tournure. C’est à mes yeux la difficulté numéro 1 bien plus que l’imagination ou la trouvaille du sujet c’est l’écoulement le plus difficile c’est certain, le paradoxe de faire d’une machine intriquée et chargée de mécanismes complexes un instrument à la solde d’une fluidité dansante, légère et fertile. L’effort à faire pour l’acquérir est considérable et malheureusement en ce qui me concerne il ne dure pas longtemps (pas plus qu’une transe ne dure longtemps – l’écriture n’est-elle pas l’apprentissage d’une transe) et fini presque toujours par s’épuiser à un moment ou à un autre, dès lors je dois retourner chercher d’autres instruments puisque les instruments d’hier ne fonctionnent plus. Alors je passe le plus clair de mon temps à chercher les instruments qui me permettraient de m’exprimer, comme un coureur absurde qui se doit chaque matin de partir à la recherche de ses jambes pour se donner une chance d’emprunter au moins la piste de course, si par chance il fait beau aujourd’hui et que la pluie n’a pas détrempée la surface. J’aimerais moi aussi être un coureur de fond mais hélas (?) ma condition ne me le permet pas, quand ce ne sont pas les instruments qui sont tombés de mes mains, c’est la contradiction interne qui obture le chemin et qui se refuse à laisser émerger une phrase qui me serait trop étrangère. Du reste, au-delà de ces histoires de salles des moteurs, c’est bien la seule recherche qui compte, n’est-ce pas, c’est la recherche qui est belle, comme un voyage.