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steichen-jardin

Je ne lis pas un écrivain. Je suis cet écrivain qui compose en temps réel les pages que prétendument je suis en train de lire. Je ne suis pas dans son esprit. Son esprit essaime dans le mien. L’auteur a-t-il les cheveux noirs ? Imperceptiblement, mes cheveux se mettent à noircir. La texture et la forme de mon visage se modifient lentement. A-t-il une voix nasillarde, faible, sifflante ? Ma gorge se met à produire un double son. Sur mon timbre de voix habituel, une tonalité supplémentaire semble s’être greffée. Je parle double. Me dédouble, m’achemine vers celui que je serai bientôt. Je ne suis déjà plus un autre mais moi-même. J’aime cet écrivain plus que tout. Il ressuscite. Son sang circule dans mes veines. Il semble se réjouir de sa nouvelle demeure. Il fait la connaissance de ses colocataires. D’autres caractères dans les mains desquels j’ai déposé cette clef qui est ma clef, qui est la seule clef qui vaille, celle-là qui ouvre le grand portail du domaine intérieur.