Le problème dans le mal qui m’agite est que je me sens capable de plein de choses, mais je n’y arrive pas. J’ai un sentiment d’incurabilité, comme si ça devait durer toujours. Je ne suis pas satisfait de moi-même. Le soucis est que je n’aime que la perfection, je ne supporte pas de faire une erreur ou une chose à-moitié, alors pour éviter cela, pour contourner, tout simplement, je ne la fais pas.
Ce stratagème a marché un temps, du temps où mon idée de la perfection n’était pas si haute, maintenant qu’elle est au-dessous de tout, que je suis moins naïf, cela ne marche plus, simplement, le rouage s’est coincé. Et tout le temps qui passe je l’utilise à faire diversion.
Je me rends compte que les fois où j’ai bien réussi dans ma vie les choses que j’ai entrepris, je les ai réalisées sans avoir à l’esprit un besoin de perfection, les fois où j’ai accepté de faire la chose simplement sans rechercher « l’immensité éternelle ». Avec le sentiment de « m’abaisser ». Il en va ainsi de mes poèmes je crois.
J’ai pensé a quelque chose dernièrement qui m’aide beaucoup. Une oeuvre n’est pas en soi une gigantesque architecture a créer en une seule pièce, d’un coup, comme un seul bloc. Une oeuvre est une succession de petites marches, et c’est cette succession de marches qui donne la hauteur. Comme je vois les choses comme une montagne de perfections irréalisables, je m’ôte toute possibilité de les réaliser et je les contourne, tout simplement, ou les bloque par différents moyen, me plaçant dans la posture de l’échec, entraînant tout un fatras de culpabilités et de sentiments de ne pas être à la hauteur. Avec moi, c’était tout ou rien.
Ainsi, afin de réaliser les choses de ma vie, je comprends maintenant qu’il faudra en passer par les erreurs, par les petites marches.
Pourtant, ce fait, cette « ambition castratrice » et dévorante, si elle a été ma faiblesse, peut aussi devenir la plus grande des forces. Elle sera mon désastre ou mon triomphe. Au jour d’aujourd’hui, je la verrais plutôt comme un désastre car, pris dans sa toile, je jette les yeux en arrière et je me rends compte à quel point j’ai pu perdre du temps et de précieuses énergies. Peut-être n’est-il pas trop tard. Par où commencer ? Accepter que les grands rêves en tant que tels n’existent pas, qu’ils ne sont en fait qu’un amoncellement de petits rêves en nuées de nuages. M’abaisser et entreprendre à nouveau les petite marches, même si la pensée (idiote) que ces petites marches ne sont pas dignes de moi car elles ne touchent pas à l’éternité, tant pis, il le faut, reprendre là où je m’étais arrêté. Pour éviter le principe chimique du désastre qui consiste à laisser voir que ma vie ne serait qu’un brouhaha infécond, une somnolence entre deux eaux, une perplexité en forme de piège à loups, avec, comme résultat du doute, l’absence d’éclat et d’apothéose. Peut-être, le goût de l’éternité donne sur le vide.
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