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Je hais tant la répétition. Rien ne me fait plus peur que de réécrire le même poème, que de posséder deux fois la même voix. Je veux sans arrêt être un autre, mais comme cela est impossible, alors je me tais. Pourtant, à la manière de celui à qui l’on interdirait de penser à un lézard bleu, à qui l’on permettrait de penser à tout sauf à un lézard bleu, bien évidemment, ne pensera plus qu’à ce lézard bleu, celui-là même qui ne devrait traverser son esprit sous aucun prétexte ; moi aussi, je le crois, je tombe dans le même piège, à mesure que je m’interdis d’y sombrer. Si je n’ai pas gardé toujours la même forme d’écriture, je sais que ces obsessions, ces névroses, étaient et restent sensiblement les mêmes. Ce sont les mêmes flammèches que je poursuis en rêve, les mêmes allitérations, les mêmes musiques. Je n’ai qu’une image spirituelle à idolâtrer, laquelle reste sensiblement idem. Je n’ai pas mille inspirations ni mille maîtres. Je suis, pourrait-on dire, comme un satellite halluciné, subordonné à son étoile, gravitant irrémédiablement autour de l’astre blanc. Je n’ai qu’un unique soleil dans tout l’univers qui me tient au chaud dans ses mains magnétiques, et tout ce que je suis en mesure de faire, c’est le décrire sous tous les angles possibles, le connaître de toutes les manières qui soient, observer chacun de ses pôles, à l’aide de toutes sortes de lunettes et de kaléidoscopes.
L’astronome observe les imperceptibles variations de couleurs des étoiles, lesquelles, scintillant du blanc au rouge, en passant par le bleu et le jaune, racontent naturellement l’histoire de celui qui les observe.