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J’en arrive à la fin de ma vie. Il ne peut en être autrement. Je n’ai, derrière moi, qu’un horizon brûlé, des affres, des tempêtes, des soleils illusoires. Devant moi, il n’y a qu’un grand champ vide, tentatives vaines de troubler l’ennui, de combler le temps qui passe. L’écriture ne me dit plus rien, ni l’envie. A de très rares exceptions près, je sais que ce que j’ai écrit n’a que peu de valeur littéraire. Il y en a tant et tant qui écrivent aussi bien, et même mieux que moi. Je n’ai plus besoin de rien, je n’ai plus rien à chercher. Je n’ai ni besoin de reconnaissance, ni amour du beau, ni amour du travail. L’époque ne me dit rien, les gens ne me disent rien. Je sais que je ne suis que poussière, et que mon départ ne fera pas plus de bruits qu’un petit galet tombé dans une mare. C’est très bien ainsi. Ce ne sont pas que des mots, c’est la simple lucidité, ni triste ni heureuse, mais telle quelle, nue.
Je n’ai, sincèrement, plus de prétextes pour vivre. Aucun. Je n’ai qu’une immense et sincère envie de mourir. J’ai envie d’un silence qui ne s’arrêterait jamais.
Je ne souhaiterais attrister personne, ni même faire remarquer mon départ. Je ne cherche même pas à attirer l’atttention. J’ai dépassé ce stade depuis longtemps. Je veux juste arrêter, c’est tout. Arrêter. Parce que je suis libre de le faire et que cela fait trop d’années que je verse des perles dans les puits sans fonds. Je ne dirai pas que je suis malheureux, je laisserai aux autres le soin de le penser peut-être, ce ne sera jamais par la tristesse que je voudrais partir. Ce sera par le déclin de mon soleil intérieur. Ce sera par l’affaissement des voix claires de la vie. Je n’ai plus rien de vivant au fond de moi. Je n’ai plus rien qui soit beau. Il n’y a qu’une nuit. Il n’y a qu’une longue nuit au fond de moi qui n’aspire qu’à mourir et aller là où tous ceux qui m’ont précedé sont allé aussi. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela, il n’y a qu’une continuité. Qu’un fleuve qui s’écoule. Il n’y a que le temps qui se dérobe sous mes pieds doucement, mais plus profondément à chaque minute. Je n’ai ni envie de créer, ni envie de me battre pour quoi que ce soit. Je ne souhaiterai garder qu’un seul mot qui serait celui-ci : refus. Et partir, non pas loin, non pas longtemps. Partir, en vrai, tout simplement.