L’écriture semble rouvrir un abîme de folie en moi. Une angoisse virulente.
Comme si je m’approchais de cette frontière au-delà de laquelle le quotidien n’est plus : tout y est chaos, la vie n’a plus ce socle de raison sur lequel se reposer.
Dois-continuer ? Dois-je baisser le front et laisser tout cela de côté ? Comme on laisserait de coté la partie invisible et effrayante de la lune ?
À mesure que je la décris, cette angoisse semble m’apprendre une chose : peut-être s’agit-il d’un excès, un trop-plein que je ne peux contenir.
Il ne s’agit pas d’être fort pour apaiser cette terrible sensation.
Il ne s’agit pas non plus d’être intelligent.
Elle rôde au dedans, menace.
Sensation d’être au bord d’un gouffre absolument innommable. De pouvoir y sombrer réellement. Je m’accroche d’un main tremblante, froide, en sueur, à ce roc aigu et fragilisé qu’on appelle la raison. De toute mon énergie je me tiens sur cet ilôt, luttant contre une tempête dont la force pourrait m’emporter à chaque instant, si elle le voulait. Je me sens à sa merci. C’est un véritable rappel à l’humilité et à la terreur de vivre tout à la fois. Quelque chose dans la vie qui va contre elle, qui veut la pousser en dehors. Qui veut prendre sa place.
À l’origine c’est une pensée profonde. Le laisser-aller éloigne la menace. L’oubli la fait reculer. Quand soudain je me rappelle où je suis, ici et maintenant, elle me rattrape et me tord. La pensée est, semble t-il, à l’origine de cette torsion de l’âme. Une pensée indistincte, confuse. L’impossibilité de savoir qui et où je suis, ici et maintenant. Et l’accalmie quand je n’y pense plus. Quand je ne contrôle plus.
Je cherche dans les territoires dangereux. L’inconnu, celui-là qui n’est pas simplement l’île vierge, le paradis nouveau, mais aussi le territoire de glace, simple et terrible. Où il est possible d’y mourir seul, dans le froid, dans l’agonie, l’absolue détresse de la vie qui s’en va, au profit d’un inconnu monstrueux. Dans la boite crânienne hurle un chaos auquel le silence désertique aux alentours ne répond pas.
Pourtant, une étoile, petit point dans la nuit noire, luit, indistincte, frêle, mais présente. Elle n’est pas immobile, elle se meut légèrement et doucement. Ce bercement est semblable à la consolation, le va et vient rassurant. La certitude du balancement qui ne connaitra jamais de fin. Cette étoile, mère porteuse consolante, est ici dans la nuit noire, elle n’est pas perturbée par le chaos qui a eut lieu. Elle est là, c’est tout, rien d’autre. Elle est là pour me dire : «Le chaos est transitoire, et moi, je suis infinie ».
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