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Friedrich_Caspar_David_Sunset

Pardon pour mes mots. Ils étaient faux, c’était du baratin. Ils étaient là comme un drap ignifuge pour couvrir le silence, cet incendie. Mais pensons à autre chose désormais. Ne lâchons pas l’emprise de nos mains. Ne nous désertons pas de nouveau. Je n’ai pas fini encore de dire ce que j’avais à dire.
Ah mais qu’importe, je m’habituerai désormais. Je serai un chien affectueux. Je baisserai la garde, je n’aboierai plus quand le vent se soulève. Puis je retournerai parler un peu de ces choses qui traversent les jours de part en part, et que nous ne voyons pas toujours. Je reprends ma route. Les émotions seront plus denses encore, et l’espoir plus grand. Regarde, j’ai rallumé l’espoir, le vois-tu ? Il ne fait plus aussi sombre depuis que je te parle.
Oh bien sûr je suis encore boiteux et maladroit, c’est que ce muscle n’a pas travaillé depuis quelques époques. Mais l’émotion est là, je l’ai bien ranimée. Quelques pincées de poudre aux yeux, puis, creuser en soi un petit trou pour que l’air s’y engouffre. J’ai vu que ton ciel intérieur n’avait pas pris l’air depuis longtemps, il est rance. Ah mais ça sent le renfermé en toi, depuis quand n’as-tu pas ouvert les fenêtres ? N’attends pas trop, les poignets finiraient par rouiller, et les vitres s’embuer, se salir de sorte que tu n’y verrais plus le paysage au-dehors. Ne reste pas là contre le mur, tourne le, ce visage, que je te regarde. Mais si tu es triste, et bien, crée-le cet air affectueux, tu as ton usine de métaux lourds, ces vieilles machineries qui t’attendent. Rebranche les câbles, rétablis le courant, nom de nom. J’aime te voir à la lumière. J’aime quand le tourne-disque recouvert de poussière reprend ses rotations et fait une espèce de barbe à papa tournoyante de toutes les toiles d’araignées qui l’embrassent. Allez, viens dehors, passe à travers l’écran des apparences, ça ne prendra pas longtemps. Oh mais ce n’est pas un paradis dont je te parle, c’est seulement une chose très banale, mais colorée et désireuse de toi. C’était ça, une chose banale mais qu’on peut colorer à notre guise, l’arbre de noël t’attend, il ne fécondera pas ses guirlandes tout seul, allons. Rien ne se déroule tout seul, même les serpentins, même les élastiques, ils ont besoin d’électricité, ranime-là cette fabrique à jouets inutiles mais magnifiques. La direction à prendre est celle-ci. L’entends-tu cet instant qui toque à la porte, prêt à entrer à grandes enjambées et lancer la musique pour faire danser tes heures ? Ah mais ça existe, la page blanche qui se remplit à ta guise. Tend l’oreille, les engrenages grincent, la vieille mécanique est accablée, douloureuse. Mais bientôt elle tournera à plein régime, dans les cales du bateau. Méfies-toi des vieilles machines fatiguées et rouillées. Ce sont elles qui poussent les navires vers les latitudes inconnues et qui se fraient un chemin à travers la calotte glacière. C’est une évasion demain nous retournerons au même point sans doute, au réveil, mais quelque chose dans notre regard aura changé. Nous aurons derrière nous mille soirs d’attente et d’ennui qui nous pousseront à bout de bras pour le grand saut à l’élastique. Pour la grande vision. La nuit sera coupée en deux et nous sauterons dans l’interstice. Et le mystère, cette flamme, nous ranimera.