Un matin négatif, dénué de pensées, comblé de monologues intérieurs sans queue ni tête, je m’abats, sans y prendre gare. Je me lève et, sans recourir à un soleil quelconque, me dirige vers la cafetière, premier pas vers la dissolution de l’inconnu, je me dirige vers le rite, qui calmera les ardeurs angoissantes et mes penchants vers ce qui déborde de l’ordinaire. Ça ne sera jamais l’argent qui me fera lever matin. Ni rien. Et maintenant, quoi ? J’emprunte la voie du jour, levé déjà depuis bien longtemps, comme on emprunte un radeau exsangue, sans but d’aucune sorte. C’est l’abrutissement qui me monte dans les veines, un calme de pacotille pour suspendre une certaine forme de folie, la rendre moins visible aux yeux de tous. C’est une peur qui me tire hors du lit et de ma chambre, me fait marcher dans le froid pour un rien, pour oublier peut-être. En d’autres temps j’étais amoureux, et tout cela ne comptait plus. Je me confondais avec le rêve que j’habitais, l’avenir scintillait sur tous les murs, les ombres dansaient en ma compagnie. Je m’imaginais capable de maintenir cet état une vie durant, j’avais faim, la faim grandissait avec mes élans. Ne vous méprenez pas, je suis toujours affamé, plus que jamais peut-être, mais maladroit et sans discipline, je massacre le temps. J’attends, le vent, mon bon ami, j’attends la prochaine bouffée d’air, j’attends qu’un instant digne de ce nom m’enlève. Par attente je ne veux pas dire : me maintenir immobile sur le pas d’une porte, je veux dire autre chose, l’attente, toute une science de l’embarras… je souhaiterais pouvoir exprimer là toute ma gratitude, mais cela ne sera pas suffisant car je ne sais plus très bien parler, et ce manquement à la parole devrait suffire. Me devine t-on tout de même ? Merci, infiniment, je resterai toujours émerveillé par tout ce qui palpite en vous, je sens monter dans mes veines une fièvre salubre. Je n’ai pas eu droit à grand-chose quand bien même les apparences semblent me contredire, car je rêvais d’autre chose. Les feux d’artifices sont bien ternes, les fêtes, les nuées et les clameurs sont bien moribondes, comparées à ce que je porte en moi de sensations vigoureuses et entraînantes. Je me repais, mon être entier vibre de l’inaperçu. Je crois, oui, que je n’ai plus grand espoir et plus grand chose à perdre ni à justifier. Ce grand merci n’est pas un refuge, et c’est ce que je souhaite vous dire ce soir, merci, d’être vivants quand bien même nous ne verrons peut-être plus car je penche en direction d’un autre horizon, car je ne sais, pas plus que vous, où je vais. Je vous l’avoue : je suis égaré, ce fait ne devrait ni vous surprendre ni vous effrayer. Il ne s’agit que d’une simple vérité déterrée, une médaille dont on a ôté la couche de poussière, un cadeau ouvert sous le sapin, une fièvre, un miracle permanent, une brèche ouverte, où l’inouï se succède à lui-même. Je peux vous le dire : ne vous fiez pas à mes yeux car je suis heureux, ne vous laissez pas prendre au piège de la tristesse, je ne cherche rien d’autre que la joie de vivre. Cette grande inconnue familière.
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