Si un jour tu te souviens
au détour d’une journée comme les autres
d’une phrase, d’une ligne, sortie de sa nuit soudainement
étincelle
peut-être te souviendras-tu de moi
qui suis passé dans ta vie comme une étoile filante.
Si un jour
un sourire te fait défaut, si un manque se fait ressentir
froissement de cœur au fond de la poitrine
si un jour la musique est là mais l’âme en est absente
peut-être penseras-tu à moi
qui n’ai fait que passer près de toi
pendant que tu marchais rigoureusement le long de ton existence choisie.
Peut-être serai-je mort déjà quand tu regretteras
l’immense amour que je nourrissais pour toi
et que tu n’as pas connu.
Je serai mort
depuis longtemps et tu seras à la moitié de ta vie à peine,
assoupie sur un tapis d’herbes, les hyacinthes proches
et le son d’une rivière te rappelleront le temps qui a passé.
Je serai mort et le soleil se lèvera sans moi
je ne connaîtrai plus ni le vent ni la musique
je ne serai plus ici et si proche pourtant
toi que j’ai si peu caressée
toi que j’ai si peu connue malgré tout
Ô comme j’ai connu en toi tout ce qu’il y a d’inconnu…
Si un jour au détour d’une rue bondée
tu regardes les visages en te disant que peut-être
je pourrais soudainement apparaître
tu te souviendras que j’aurais quitté ce monde
après avoir souri une dernière fois
regardant le soleil se lever sur les toits de ma ville.
Si un jour tu lis quelques poèmes de moi,
prise d’un besoin soudain de tristesse et de souvenirs, tu sentiras
quelque chose de doux et de bienveillant passer sur toi
comme pour te dire ne sois pas si triste et vis
Vie comme tu le fais depuis toujours
avec les jours qui se suivent et les averses et les rues que tu emprunteras
pendant que je serai absent
vis et mène une vie très longue et très calme
loin de mes tourmentes et de mes douleurs.
Tu te rappelleras alors comme j’ai vécu
les hirondelles
les chiens errants
tout ce qui court
tout ce qui chante
tout ce qui rit
se rappellera encore de mon sourire et mes larmes seront peut-être
quelque part cachées sous les yeux de la Lune.
Si un jour une âme te manque
si une présence perdue paraît comme un regret sourd
dans un coin ensoleillé de ton cœur garde pour moi une place même légère même minuscule
pour que je puisse y ranger quelques affaires et quelques poèmes.
Si je n’ai pas existé dans ce monde peut-être
trouverais-je un lieu de vie dans ton sein et dans ta mémoire,
pour y déposer mes mains et mon odeur
peut-être prendrai-je la forme d’un rêve une évanescence,
quelque chose de très versatile,
une étoffe,
peut-être de la dentelle
pour y décorer ton monde intérieur
y déposer toutes luxuriances et splendeurs passées et à venir,
paradis précieux de ton jardin secret, de moi seul connu,
seule prétention de mon voyage,
seule et unique possession de ma vie,
Chambre secrète de ton cœur,
au plafond constellé d’étoiles et recouvert
de lierres et de lueurs.
Tu te souviendras de moi un instant
puis le vent soudain se fera plus fort, et plus froid
un morceau du ciel au loin s’obscurcira, un réveil sonnera près de toi
un camion de pompier passera sous ta fenêtre ou la lumière, qui se sera frayée
un passage par la fente des volets pour atteindre tes yeux alourdis par le rêve et le sommeil.
Tu te souviendras de moi un instant
puis la vie à nouveau viendra te reprendre
et te rapprocher de la superficielle et non moins belle apparence des choses.
Je serai alors le souvenir oublié parmi tous les autres souvenirs
le corps absent parmi tous les corps absents, ce cadavre au fond de ce
cimetière qu’on appelle mémoire
et orgueilleux
et jaloux
de n’être pas seul en ton cœur je partirai peut-être de ma demeure automnale
pour aller consumer ma nuit au loin sous la forme d’une étoile
je compterai les secondes et les minutes, les jours sans lumière près de moi
Je rêverai de toi même lorsque d’autres bras serreront ton corps
d’autres bouches se poseront sur ta bouche
même si je n’ai plus ton odeur ton visage
ne sera pas en moi comme un linceul
un simple souvenir noirci par le temps
mais bien plus il sera un diamant
un morceau de paradis perdu
un vase de larmes claires
Tu seras en moi comme une pensée vivante
une danseuse qui entraînera tout mon être après elle
dans son sillage avec ton âme autour
comme un parfum capiteux, mes pensées par milliers
prendront leur envol vers un infini qui n’aura pas de nom
j’oublierai les pays
les maisons
les gens
j’oublierai ma vie
ma mort
le temps que durera le parfum de ta peau
auprès de moi et la chaleur de tes mains autour de mon visage
avec la solitude effacée
je perdrai les lieux
et le décompte des jours
par une mécanique magique
pour une merveille perpétuelle
les milliers d’heures alourdies par la tristesse et la mélancolie
seront bien vite oubliées
et perdues
loin de la Terre et je serai plus près
du soleil encore.
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