J’étais en altitude, En haut d’une montagnes. Des rochers. Un lac. Pour le moment je suis seul. Non pas subitement mais graduellement, je prends conscience que je rêve.
Je vois une porte, massive, en pierre. Dans la roche. Je veux y rentrer. Je réfléchis. Je n’ouvre pas tout de suite. J’y colle mon oreille. Je veux savoir si les personnages de mon rêve ont une vie indépendamment de ma présence. Je veux écouter. J’entends des voix, indistinctement. Je ne comprends pas
vraiment ce qui se dit mais je devine qu’il y a quelqu’un.
J’entre alors. Je leur parle comme si je les connaissais bien. La gène ou la peur sociale n’existent pas dans le rêve. Il serait intéressant de savoir pourquoi. Ils vont et viennent.
Je parle avec eux, nous nous amusons. Je suis seul avec un d’eux. Un personnage jeune, aux cheveux un peu frisés, châtains. Un homme. Il n’y avait, d’ailleurs, aucune femme dans mon rêve.
À un moment donné je lui dit que je suis en train de rêver. Que mon autre moi et quelque part ailleurs, en repos. Couché dans un lit.
Très loin d’ici.
Sentiment que je me trouve en effet non pas sur un plan, une dimension différente, mais sur le même plan, dans la même dimension mais à une distance extrêmement éloignée. Si loin que les lois qui régissent ce monde-ci le sont plus les mêmes.
Je leur dit que je me demande s’ils existent ou s’ils ne sont que création de mon esprit.
– Bien sûr que nous existons.
Qu’as tu fait ce matin en te levant ? Lui dis-je.
Il réfléchit, surpris par la question.
Je ne sais pas. C’est bizarre »
C’est parce que tu n’existes pas.
Je vais poser la question à un autre personnage. Il hésite aussi, ne sait pas quoi répondre.
J’essaye de le mettre devant ses contradiction.
Je vois un autre homme.
Cet homme est plus âgé. Il est un vieux juif. Il porte un béret à l’ancienne, de couleur gris clair.
« Tu n’existes pas. Je sais que j’ai croisé il y a peu, dans la vie réelle, un homme qui était comme toi. Il criait dans la rue et cela me marqua. C’est pourquoi je me souviens de lui.
Tu n’es que la projection de ce souvenir. Un ersatz. »
J’eu la sensation d’avoir percé à jour le rêve, d’avoir franchi un nouveau seuil. J’avais levé un voile. Je sens que je vais pouvoir parler à l’être
J’ai attiré son attention. J’ai mis à jour un de ses mystères. J’en ai maintenant le droit. Je sais qu’il va venir et que je vais pouvoir lui parler.
Dans le rêve je sais, souviens, ce qui va se passer dans la seconde qui suit. Est-ce parce que mon cerveau crée le rêve au fut et a mesure ? Est-ce parce que nous y avons tous les dons, notamment celui de prédiction ?
Qui es-tu ?
– Je suis ton esprit
– Puis-je te poser des questions ?
– Oui, tu le peux.
– Es-tu indépendant ou bien une part de moi ?
– Une part de toi
Sa voix est grave, fantomatique. Presque cinématographique.
Est-ce moi qui te crée ?
– oui et non.
Je sens mon interlocuteur rusé. Je ne crois pas à ses sornettes. Il va jouer avec des réponses ambiguës. Je ne sais pas si je peux le croire.
Le dialogue est certainement plus long mais je ne me souviens plus de sa suite.
Je me retrouve à nouveau avec le premier personnage.
Tu vois, bientôt je vais disparaitre.
Tu dois te dépêcher. Je vais bientôt me diluer, disparaitre d’un coup, comme ça, et retourner là d’où je viens.
Il va chercher une feuille.
Pendant ce temps là je regarde les fleurs. Je me concentre. Je fais tout pour ne pas me réveiller tout de suite.
J’essaye de savoir si je suis en train de me réveiller et si oui, je me dis qu’il faut que je réfléchisse moins, pour ne pas dynamiser mon cerveau, qu’il garde encore cette torpeur qui me permet de rester ici. Je crois que les choses sont stables et que je peux rester encore un peu.
Il revient.
Je lui dit. Si tu viens un jour dans ce monde tu pourras peut être m’y retrouver. Je dois te laisser mon numéro de téléphone. Je le note sur le papier. Je regarde ce que j’ai noté et je remarque que je me suis trompé sur la deuxième paire de numéros. Je barre le tout et recommence. Encore trompé.
Sur la même paire. Cette fois je le note mais m’arrête juste après la deuxième paire. Je regarde bien. Le numéro est correct. Je détourne mon regard un instant, puis je regarde à nouveau la feuille de papier. Le numéro a changé. Je comprends alors qu’il m’est impossible de le noter.
Tu vois, je n’ai pas le droit. On m’empêche de te le donner.
Je réfléchis un instant.
Prends cette feuille. Je te le dicte et tu vas le noter.
Je lui dicte, il le note.
Un instant plus tard. un dragon apparu. Sur le ventre, au sol. Le personnage qui était avec moi me dit qu’il fallait l’attaquer. Il l’attaqua. Planta son épée dans son aile.
C’était trop grossier. Ruse pour me refaire participer activement au rêve. Pour que je m’oublie à nouveau.
Je me dis qu’au lieu de suivre à nouveau ce rêve, de m’y plonger sans penser, je vais agir autrement.
Je devais faire quelque chose d’absurde. Pour aller dans le sens inverse. Pour remettre en question.
Je me retourna alors et vu une porte que je traversa. Une porte en bois.
Je voulais je crois de cette façon montrer mon mécontentement au constructeur du rêve. Je n’avais pas trouvé de vraie réponse.
À une époque j’aurais été satisfait. Eberlué même, m’imaginant avoir touché du doigt la vérité. Mais aujourd’hui, je sais qu’il ne s’agit que de ruses et que je n’ai pas avancé d’un pas. Et surtout, que la vérité est un concept qui n’a pas sa place dans le rêve. Tout n’y est que jeu, sensations.
Tout y est vrai. Tout y est faux, aussi.
L’intérieur était fait de murs épais, en pierres. Ce n’était pas une simple pièce rectangulaire. Les murs étaient irréguliers. Il y avait des renfoncements, des coins où se cacher.
Il n’y avait dedans aucune lumière. La seule lumière qui y entrait provenait de la porte ouverte, qui était maintenant derrière moi.
Dans un coin, il fait un peu plus sombre. Je cherchais l’endroit le plus sombre. Je m’y assoies, le visage face au mur. Le noir que je vois maintenant ne peut plus être mon rêve. Je sens alors un poids au fond de moi. Poids de mes muscles, de mes os. Je sens une lourdeur. Les battements de mon cœur. La circulation du sang. Je me reveille.
Je viens de faire ce rêve. Pourtant, il y a une sensation d’ancienneté. Comme si je l’avais fait il y a des lustres.
« Rien qu’une pilule et tu grandis, rien qu’une, et te voilà petit
Celles que te donne ta mère n’ont aucun effet
Va, demande à Alice, lorsqu’elle mesure dix pieds de haut… »
« White Rabbit », celui qui a les clés de l’autre monde.