Ou peut réussir sa vie quand on a placé en état d’infériorité un nombre suffisant d’autres êtres humains, c’est bien le but recherché par une large majorité là dehors, par les métiers, les conversations, les réussites, les belles voitures, les matchs de foot etc. Et la littérature et la poésie, faut-il la faire passer par là ? Par ailleurs d’où vient ce besoin d’être publié (puisqu’on parlait de ça dans le sujet du dessous) recherche d’un statut social, contentement d’égo, justifier une vie médiocre, faire passer un « message », consoler autrui en se disant que personne n’a le monopole de la bouillabaisse ? Gagner un peu d’argent ? Dans une revue, avec des copains ? Mener sa petite vie d’écrivain ? Pour le plaisir de faire quelque chose dans la vie ? Si la poésie n’est pas lue, qu’elle n’intéresse plus le dernier des clampins ? Je suppose que l’impression sur papier n’est qu’un pas supplémentaire, après celui d’écrire sur des forums ou autre. Qu’il n’est pas plus dangereux ni plus sale. Sûrement, il est plus difficile… Il faut traverser le filtre des lecteurs des maisons d’édition. Mais dans quel but ? aucun, ou presque, y aura pas une montagne d’or derrière le rideau… Y aura juste trois papiers, trois critiques nébuleuses à moitié positives / à moitié négatives pour ne pas froisser ni défroisser, et laisser quand même l’impression de faire son boulot, justifier sa petite vie et son petit boulot comme on le fait tous les jours, avec toute l’attention que réclame la naïveté. Comme on le fait bien quand on y met un peu plus de passion, de vérité s’il reste un tout petit de sens à ce mot qui n’a pas été ramassé par les voleurs, les fossoyeurs et les troubadours. Pourtant le monde est trop profondément enfoncé dans la nullité, vacuité, vitesse et confusion, pour que le fait d’être publié puise avoir un quelconque sens pour un auteur qui exprimerait parfois des choses vraies. Cette vérité dans la voix de certains serait tout de suite rejeté sur la bas côté d’un bon coup de pied, ça n’a pas sa place, le monde veut avancer il ne voudrait surtout pas avoir à faire machine arrière ou encore pire, regarder dans le miroir pour de bon… Et si ça venait à passer, ce serait mâché sur le champ, travaillé puis jeté en pâture pour vous faire endosser le rôle du pantin roublard, de l’anti tout, oisif infécond, poétard de service, désuet mais drôle, oh les plumes pleines de couleurs, et qu’on a vite oublié quand sonne l’heure du film du dimanche soir sur TF1.
Encore internet est un lieu où le sens est possible, car il n’y a pas d’obstacle tant qu’on est sous un toit, avec de quoi payer ou se faire payer un écran et un abonnement internet… on y croit mais c’est dur, car c’est ici un beau fouillis aussi… et la majorité quand ils ne sont pas mièvres, asthéniques, réalistes de la chaussette, cherchent la beauté de la poésie dans les chiottes, et ont pour toute révolte celle d’éviter à tout prix de porter un pantalon beige, en passant par mille tour de passes magiques pour ne pas faire passer un peu de vérité se dépeignent plus gris, plus noirs ou plus tiraillés par la soif qu’ils sont vraiment (moi y compris) : la vaste majorité de petits chanceux issus de famille bien à l’aise et n’ayant jamais connu d’autre besoin que celui d’aller poser les selles tous les jours à la même heure entre deux boîtes de prince chocolat au lait, chanceux et malheureux jusqu’à la lie, creusant dans la douleur hypocrite de quoi y réveiller les quelques résidus de vitalité primitive, de spontanéité de batracien, en plein dans l’erreur et perdus entre deux mondes, loin d’eux-même, ennuyeux comme des rats morts, tentant d’aller y récupérer tout au fond des déboires pour la plupart inventés de toute pièce, sortis des machines de l’ennui, combler le vide abyssale d’une existence dénaturée et vidée de sa substance, ne croyant en rien, désabusé, voulant de l’air et se réfugiant dans la tanière des ours, apologiste du minuscule et du petit orteil du pied gauche, taupes pour qui le trou est l’univers tout entier, garde-fous du royaume de la poésie et de la confiture, déserteurs d’une guerre qui n’a pas eu lieu, soldats de la guimauve urticante, amateurs de révolutions en chambre, bien au chaud mais transis de froid, réalistes, bruts mais creux comme des douilles.
Hé, quoi ! La poésie n’intéresse plus personne ? Que ?
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