Je le sens venir, et je vais bientôt me sentir idiot. Ma vie est une terasse qui donne sur le manque. En effet, pourquoi ai-je eu droit à tant de silences désordonnés ? J’éprouve ce manque, mais à la fois, que ferais-je d’une consolation ? si l’ombre se faisait réelle. « Être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l’ombre »…. Que désire un poète, ou plutôt, sa plus grande peur… N’est-ce pas la réalisation de ses désirs ? Que ferait-il de son pauvre moi et de son idéal, qu’il a voulu à tout prix inaccessible afin de préserver son éternité ? Si j’avais la force, si je prenais le risque, j’y aurais droit. J’y ai droit, d’ailleurs, je l’ai amplement mérité. Dans les yeux des autres, jamais dans les miens. La gestuelle est simple, elle consiste à se laisser faire, à se laisser aller avec le vent. Mais je pense trop. Le pensée nous rend dégénérés, elle pousse hors de moi le primitif, le spontané et si l’idée à lieu, l’action, elle, est repoussée. Elle est un feu d’artifice mouillé.
Je pense qu’un jour, j’ai manqué une marche et par orgueil, je n’ai plus voulu retenter l’ascension vers la maturité, toujours par orgueil, je me suis énervé contre les obstacles, me disant qu’ils n’étaient pas dignes de moi. Indignes que je les affronte. Alors, je les contourne et me retrouve sur la rive, et j’attends, « Je n’ai jamais rien fait qu’attendre / devant la porte fermée » … N’est-ce pas le fruit de toute ma vie, cette attente interminable ? n’est-elle pas précieuse ? par le simple fait qu’elle est une abstraction, un endroit très flou, sur la plaque photographique ? Ce soir je ne mettrai pas de nom sur mon manque, afin qu’il m’enveloppe mystérieusement.
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