Ta main caresse la vitrine de ta mémoire, constellée de mannequins magnifiques et immobiles, comme en attente, de bijoux, de perles rares, de vieux livres poussiéreux… Tu fouilles, sans cesse en toi, à la recherche d’une substance jusqu’alors inconnue, tu prends les mirages dans tes bras. Devant la rue commerçante de la vie, la vie nonchalante, je te voyais regarder les bibelots de tes petits commerces d’intérieurs, une boîte de médicaments, tout un tas de choses… La boutiquière de ta mémoire venait arranger les poupées, aérer les cheveux, fabriqués à partir d’une authentique crinière de cheval. Est-ce que le cheval avait vécu pour ceci, pour léguer ses tresses de crin aux petites filles qui jouaient, de leur peigne, à émasculer d’innocence ces petites poupées sans un pli ? La boutiquière minutieuse de ta mémoire venait réarranger la vitrine pour son unique client de la journée, toi, qui passeras des heures à contempler la nature morte, à lui donner vie par le mécanisme mystérieux de ton imagination. On aperçoit un coffre diaphane, où gisent des personnages que tu n’as pas connu. Penchée au-dessus de lui, une ombrelle miniature, à la chinoise, de la même sorte que celles qu’on plante parfois dans les glaces luxueuses, ces glaces pleines de neige. Elle semble protéger quelque chose, elle n’est certainement pas là pour faire de l’ombre, ni même pour enjoliver un paysage déjà tant enrichi.
La petite ombrelle s’est plantée là comme un drapeau, pour marquer son territoire, et au-dessus d’elle, en caractères d’industrie, on peut lire, comme une plume ou un insecte si léger qu’on le penserait sans cesse en instance de s’évader dans les airs, « Je ferme les yeux » et la crainte de le voir s’échapper nous rend sa présence plus vive encore.
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