Une des raisons essentielles est que la poésie demande des efforts et du temps d’apprentissage. Comme toutes les choses qui ont une véritable valeur et apportent un plaisir plus profond et durable. Il s’agit de se rendre perméable à ce plaisir. Aujourd’hui, les choses diverses doivent tomber sous notre nez, être instantanément et facilement accessibles. Après, il existe la poésie prête à consommer. C’est une poupée assez monstrueuse, sans racines, qui au toucher apporte son lot de jouissances de pacotille, avant de tomber en poussière. Cela nous amène à la deuxième raison essentielle : les poètes sont écartelés entre la poésie brindille, prête à consommer, et la poésie masturbatoire turgescente et fictive, illisible pour le commun, qui ne s’expose plus à la vie. Entre les deux se situe sans doute une poésie capable d’être libre sans être pour autant déracinée.
La poésie sans lecteurs
par fc | Août 31, 2015 | Réflexions sur l'écriture | 3 commentaires | 726
(Je m’inquiète un peu pour la poésie, si tous ses lecteurs sont absents, lâches, idiots comme moi; si tous ses lecteurs préfèrent s’emmurer dans le sempiternel silence plutôt que mal dire, tout simplement, combien ils sont touchés, parfois, en vous lisant..)
Merci, inconnu !
La poésie telle qu’elle est reçue, ou plutôt éconduite, égarée, perdue de vue, me suffit et me comble. Elle n’est pas, et refuse d’être, un genre littéraire, un produit culturel, une marchandise éditoriale. Elle est, par bonheur, déficitaire dans les calculs de marketing. Elle est irrécupérable par l’ordinateur de la diffusion et la herse médiatique. Elle n’a pas de rayonnement au sens où vous l’entendez car elle a renoncé, depuis le premier jour, à l’éclat public, pour l’irradiation dans le corps obscur, la déflagration invisible et les transmutations souterraines. Elle est écriture vivante, écorchée — ou non-écriture en activité dans le sous-sol de la langue — ou projection du désir et des mots de chaque jour dans le balbutiement du futur. Donc absente, donc absente du marché — et c’est là le vrai sens de votre question…
Jacques Dupin, Éclisse, éditions spectres familiers, Marseille, 1992
merci pour ce fil, de donner à lire et de nourrir et pensée et reflexion. merci aussi pour cette citation de Dupin, citation qui rassérène. vraiment, nos pensées se complètent malgré la divergeance des chemins..
mes amitiés,
c.