On pense parfois que je suis ensuqué. Que j’ai la tête ailleurs. Dans un autre monde. Il est vrai que souvent je semble penser à autre chose. Je ne peux prétendre le contraire. Mais je vois à travers. Je connais bien les artifices de votre peau et de vos membres, je connais bien les intonations de votre voix. Je connais bien les acteurs. Si je donne l’impression de ne pas écouter, c’est que je regarde à travers vox yeux, la vérité que cache la machine bien étudiée de votre être, votre composition, votre profil idéal et votre pantalon soigneusement enfilé le matin même. Je connais bien le jeu grâce auquel vous pouvez prétendre ne montrer que ce que vous désirez montrer. Mais mal, ou bien tombé, car je vois à travers. Je connais les croisements de vos doigts dans l’onde et dans les airs dont vous détestez le hasard de la vie et de la nuit, je crois deviner ce que vous pensez. Et je sais bien au fond que ce dont vous avez besoin et tout le contraire de ce que vous croyez vouloir. Vous pouvez bien appuyer certains mots séparés de vos longues paroles qui tombent de votre bouche comme des fils d’araignée, les lancer sur le bout de votre longue pour qu’ils rebondissent jusque dans le creux de mon oreille je n’en crois pas un mot, je sais que la chambre est vide, qu’il y a quelque chose d’absent au fond du corridor. Il est possible si vous le voulez nous pourrions aller nous promener dans le parc aux fleurs et je devine pourtant bien que c’est tout autre chose qu’un jardin fade et sans lumière que vous désirez les traîneaux les frontispices les musées et les films du dimanche soir. Vous pouvez si vous le désirez me présenter la couleur de votre constellation le pli du papier qui cache le poème la pensée que trahit la sinuosité de votre front, je me doute bien que vos yeux s’éclaircissent à la pensée de renouer avec la vie mais le bain n’est pas encore assez chaud, peut-être l’a-t-on laissé refroidir trop longtemps, peut-être a-t-on trop longtemps fait semblant de chasser les fées avec les mains et que la poussière laissée par les ailes des papillons sur vos paupières ne s’appelle pas mirage mais histoire d’une vie passée à attendre le soleil se lever au-dessus de votre paysage à des millions de kilomètres. Ce n’est pourtant guère plus qu’une illusion. Comme l’est la vie. Je sais bien que vous me devinez.
Je connais bien les intonations de votre voix
par fc | Nov 1, 2008 | Arctiques (Journal), Divagations | 0 commentaires | 315
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