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Mais ce silence est aussi dû au fait qu’en ce moment, je n’ai pas de muse. J’ai toujours eu une personne en tête pour écrire, personne qui jouait à son insu le rôle de mon inspiratrice, que mon imagination modelait à sa guise, remplaçant les yeux par des étoiles, les cheveux par des coulées d’or.

Assez des formes volatiles, des pensées fluides sans corps et sans odeurs, des reflets sans sources, des mains sans visages et des voix sans figures.

Il faut que je sois amoureux. Les périodes où je ne suis pas amoureux de quelqu’un sont rares. Ce sont généralement des périodes heureuses. Mais je n’aime pas les périodes heureuses. Je préfère les tourmentées. Les créatrices. Les sombres même s’il le faut, les ténébreuses. J’aime le sang glacé et les idées de morts qui me manquent. Je suis trop bien, je suis trop heureux. Je suis dans un horrible confort. Ma tristesse inhérente me démange, la petite voix frémit son hiver au fond de moi. J’attends qu’une nouvelle muse vienne me réveiller de ma torpeur.

J’attends qu’un nouvel esprit vienne à la rencontre du mien. Je cherche, je trouve, pour montrer mon monde intérieur aux yeux qui sauraient me voir, aux oreilles qui sauraient écouter, un cœur qui me comprendrait. Toi qui me lis, me comprends-tu ? Crois-tu me connaître vraiment ? Penses-tu que je sois si simple à comprendre? Mon âme est en chasse. Mon coeur le réclame. Je suis mort et puis je suis revenu. Assez des amours éphémères, sans vrais sentiments, je veux une nouvelle longue et réelle passion, qui soit à la fois physique et intellectuelle. Passion qui puiserait au fond de moi, me pousserait dans mes retranchements et surtout, qui me ferait écrire, c’est à dire, vivre de nourritures qui ne soient pas seulement terrestres.

Oh je sais bien que ce ne sont pas des choses qui se commandent et que c’est bien prétentieux de ma part.
Pas forcément. Il y a quelque chose, quelqu’un, quelque part, qui m’écoute, je le sais, qui m’écoute et qui est prêt à exhausser mon voeu. Quel est le visage de cet esprit dont je suis à la recherche ? je l’ignore. Elle est quelque part, elle ne sait pas que j’existe sans doute. Je suis amoureux d’elle sans même la connaître.

Je sais que je ne suis pas un homme beau comme d’autres le sont. Pourtant il existe en moi un autre stade de l’amour, plus élevé, réservé à quelques rares esprits que je sens dignes, ces esprits là seuls, je suis enclin à leur ouvrir la porte qui mène à ma demeure intérieure, aux jardins luxuriants de mon âme, à l’océan de tous mes rêves. A ces esprits là seulement je suis enclin à ne pas mentir, à montrer ce que je suis. Ces âmes là je suis prêt à les découvrir, à les ouvrir, à réveiller la poésie en elles, à les révèler à elle-même.

Ces esprits n’ont pas peur de l’émotion. Pas plus que de la passion. Ils n’ont pas peur d’aimer et d’être aimés en vrai et sans tricherie. Ce sont des âmes courageuses qui savent que nous n’avons qu’une seule vie et qu’il faut y faire émerger toute la grâce.

Les autres ne verront que la surface et ne comprendront jamais. Et se cantonneront à regarder leur petit moi se desceller.

Il y a tout l’amour que j’ai crée avec ma poésie et qui demeure en moi. A la fois tigre et papillon prêt à bondir, prêt à brûler ses ailes ou passer sans bruit, discrètement comme un feu sacré scintillant dans une nuit sans limite.

Cet esprit et surtout, ce corps, voudra t-il avec moi fuir l’horrible conformité de ce monde, rêver à d’autres possibilités, s’ouvrir à d’autres paysages comme à d’autres manières d’appréhender et de sentir l’univers, à travers ses couleurs multipliées, ses parfums, ses détresses, ses luxuriances. Non, je ne suis pas mort encore, je n’ai pas dit mon dernier mot, je ne suis pas devenu tout à fait insipide et plat. Ma folie subsiste et avec elle, l’enchantement. Mes obsessions maladives, mes fantasmes résonnent toujours heureusement. Je me sens plus poète qu’avant. Je me sens plus créatif, plus large. Tout cela prouve que j’avais raison. J’avais raison sur toute la ligne, depuis le début. Je suis au contraire bien vivant et plus fort maintenant. Je respire et mon coeur, aussi glacé soit-il, frémit toujours à la pensée qu’une flamme prochaine viendra le ranimer. Je suis libre, plus libre qu’avant.

Es-tu idole ? Es-tu divinité ? Oui, sans doute, tout mon amour est-il dirigé vers toi à travers ce corps, à travers cette peau ? Idole, divinité que j’admire, n’es-tu pas dans les cheveux, sous les ongles, dans les dents, dans les muscles, dans la voix d’une femme à fois triste et belle ? n’es-tu pas ici, origine du Monde ?

 

Quand mon cœur enfin se sentira t-il aimé ? Quand viendra ce jour ? Jamais peut-être, si le ciel le décide ainsi. Je chéris cette pensée de toute mon âme, je la remplis de tous mes pleurs, de toutes mes inquiétudes, de toutes mes espérances autrefois détruites, aujourd’hui renaissantes. Et je prie en continue, derrière les journées qui se suivent, les semaines, le temps immense qui me tire lentement vers la fin du voyage et l’éternité, je chéris cette pensée amoureuse sans limite d’un bonheur qui soit à la fois la beauté et l’amour, l’atténuation du chagrin, le lever du soleil. Je serai aimé pour ce que je suis.

Je te garde en moi, trésor, le temps que tu viennes au monde. Je pense à toi, esprit que j’aime et qui existe, coeur en attente de paradis. J’attends de te rencontrer, et quand je te verrai je te reconnaîtrai car je reprendrai vie.

 

Demain verra naître un jour nouveau.