Certains soir les amis sont plus que des amis. Oh évidemment, ils n’étaient pas bien loin. Mais nous, par contre, nous n’étions pas la porte à côté. Je veux dire, nous étions dans cette sorte d’obscur brouillard qui faisait que nous ne savions plus vraiment sur quel pied il fallait danser. Je ne sais pas si je me fais comprendre ? Je veux dire… Ces sortes de périodes bizarres pendant lesquelles l’habitude, cet opium délivré par le temps, à notre insu, fait se fondre les jours les uns dans les autres, sans qu’aucune couleur distincte ne vienne les séparer, les individualiser. Ces jours qui se ressemblent et qui nous font dire, la Terre qui tourne autour du Soleil est un manège, le même qu’hier, lent, hypnotique. L’air que je respire est le même, peu de choses changent.
Soudain on se souvient de nos quelques amis, on se dit qu’ils sont là, que nous n’aimerions pas les perdre. Mais qu’il est possible pourtant, un jour de les perdre si nous y prêtons plus suffisamment attention. Cette pensée, comme une note magique, semble ouvrir à l’intérieur de nous-même le flacon des souvenirs et nous voyons surgir une infinité de senteurs, se rattachant chacune à un fragment de la mémoire. Des instants rares et qui condensent en eux si bien la joie de vivre. Une voix comme une âme muette, parfumée qui s’échappe d’un des flacons semble nous dire, dans une langue qui n’a pas besoin de mots, « voilà ce qui est précieux, voilà ce qu’il faut préserver ».
Alors, enivré de tous ces parfums subtils, on se dit qu’il vaut peut-être la peine de vivre, pour détacher du temps quelques-uns de ces moments, passés et à venir, comme une infinité de molécules d’or, de perles rares qui défilent, invisibles, devant les yeux et qui n’attendent que la lumière d’un nouveau jour pour scintiller de nouveau, plus brillamment encore, sous les fenêtres du temps et du ciel.
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