À mes yeux on est dans le « sucre pur » dénoncé par Gombrowicz.
Les écrits sont saturés de ces termes bien placés sur le marché boursier de la poésie à savoir corps, peau, paysage, mots, herbe…
(Non pas que ces termes soient « interdits » mais en l’occurrence ils sont choisis avec une précision chirurgicale car ils dénotent la poésie telle qu’elle doit être présagée)
Et les images fièvreuses et mièvres à la fois qui font poésie du type : « être là » (à la ligne), « dans son taire », « la peau les os », « bleu trop loin (à la ligne) autre »
Il dit que la poésie doit faire vivre intensément mais je ne vois pas la générosité, ni la simplicité, sa fidèle compagne.
Je ne sais pas comment vivre plus intensément dans le formel rêche, sec et ultra éludé.
Il ne me donne rien pour vivre.
Ça écrit par tous les pores que ça doit faire poésie.
Une poésie généreuse et qui fait « vivre intensément » à mon sens doit pourvoir être comprise et aimée par un enfant de douze ou treize ans qui n’a pas encore succombé à la masturbation mentale.
Cette écriture ne s’adresse pas aux gens mais au monde de la littérature.
C’est l’archétype de la poésie française contemporaine moribonde à mesure qu’elle crie sur les toits qu’elle puise au sein du vivant, c’en est presque devenu une manie chez les poètes.
« J’écris donc à partir de ce qui reste vivant », « la langue devrait toujours être subordonnée à vivre », étrange effort que celui qui consiste à s’affirmer dans une recherche du vivant, c’est un peu comme si la vie dans le texte ne parvenait pas à parler d’elle-même.
C’est une poésie qui veut s’affirmer dans le contraire de ce qu’elle propage.
Il veut que la poésie soit d’usage quotidien : elle n’est pas écrite pour le peuple, pour les gens.
Il veut que la poésie soit corps (manie impayable aussi de la poésie contemporaine), quand elle est le produit pur d’un dédale intellectuel.
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Extrait du texte de Gombrowicz dont il est question :
« Pourquoi est-ce que je n’aime pas la poésie pure ? Pour les mêmes raisons que je n’aime pas le sucre « pur ». Le sucre est délicieux lorsqu’on le prend dans du café, mais personne ne mangerait une assiette de sucre: ce serait trop. Et en poésie, l’excès fatigue : excès de poésie, excès de mots poétiques, excès de métaphores, excès de noblesse, excès d’épuration et de condensation qui assimilent le vers à un produit chimique. »
Witold Gombrowicz, La Havane, 1955, Contre les poètes, Editions Complexe, Bruxelles, 1988.
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