La première erreur que commettent les gens, c’est de penser qu’ils existent. On fait semblant de vivre, la preuve, le matin quand on choisit quels vêtements on va porter pour la journée, ou le choisit comme un costume, avant d’entrer dans la pièce de théâtre et de reprendre son petit rôle, en clair, quand on franchit la porte de chez soi, c’est pour aller faire semblant d’être un homme.
Mais l’unique problème, c’est que les gens le prennent infiniment trop au sérieux, ce jeu de rôles, et du coup ils ne jouent plus, ils s’hystérisent à la vie. Ils ont laissé tombé la légèreté et la finesse sur le bas-côté du chemin. Et deviennent agressifs pour se faire une place sous les projecteurs. A la recherche du sentiment d’exister.
Quelques secondes avant le réveil, il y a l’espace d’un instant, ce laps pendant lequel on ne sait plus où nous en étions dans la pièce de théâtre, à quel tirade nous nos étions arrêté. La mécanique de l’existence rétrécie n’a pas encore rétablit son empire, nous sommes rien, et nous sommes un peu tout, finalement. Pendant ce court moment, la « vie » (qui n’a plus vraiment grand chose à voir avec la vraie vie d’ailleurs) n’est pas encore venu mettre tout son poids sur nos pauvres épaules. La nuit dans le rêve, tu ne sais pas que tu existes et tu es infiniment toi-même, libéré de cette atroce invention des australopithèques, la « réalité ». Au fond, pour 24 heures, tu as environ 8 heures d’existence ignorée, et tout le reste des heures pour un épais déboire, un simulacre. 16 heures maladives pendant lesquelles tu auras pensé à mille et une manière d’en finir avec toi et le monde. Les hommes ne pensent qu’à en finir avec la vie. Ça se lit dans leurs yeux. C’est en suicidaires qu’ils foncent tête baissée dans le quotidien. Peut-être parce qu’ils sentent, instinctivement, que la vie s’est retirée.
Et moi, j’ai la sensation parfois de vivre au-milieu des morts. Je suis entouré de somnambules. De gens anéantis, grippés, blêmes, qui s’agrippent à la peau d’autrui pour le faire descendre et pour se mettre à sa place. C’est une marée humaine qui pourrit sous le soleil. Et l’argent à tout prix nous a rendu pire que tout. C’est une masse sans finesse, lourde d’horreurs, de déboires hystériques. Obsedée par la peur du matin jusqu’au soir.
Les gens se vengent. Ils se vengent des promesses qui n’ont pas été tenues, au matin de la vie. Et le soleil est un honte. Il ne devrait pas éclairer un tel monde.
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