« Cela n’est pas dû au fait que tu ne parles pas. Tu parles. »
Une pierre, saisie délicatement au sol, à la forme idéale, tu la regardes quelques instants, la tournes entre tes doigts, en retires la mince couche de terre brune. Tu la déposes entre deux autres pierres, au millimètre, avec toute l’attention nécessaire, retenant ta respiration, afin de limiter au mieux les tremblements de tes mains, entre deux battements de cœur pour ne pas dévier. Le muret est désormais au niveau de ton front, tu te retournes et tu cherches, une autre pierre, ce manque, qui se découvre, sans un mot, étouffé, tout de même rageur encore des pertes, des remords entassés, pollutions d’ordres obscurs. Le domaine est vaste, les pierres ne sont pas difficiles à cerner, il y en a tant que tu ne sais pas laquelle choisir, tu t’en remets au hasard, toutes ces choses encore. Une autre, de forme semblable, tu t’arrêtes sur celle-ci, tu aurais pu en choisir une autre, tu t’en moques, c’est celle-ci, ça n’est plus celle-ci, il n’y a plus d’autres choix. Le muret est solide, mais dans ta tête, c’est un château de cartes, il vacille, ce sont tes yeux qui vacillent, il s’agit de faire attention, d’être bienveillant, d’y mettre de l’affection, laisser une chance, qui sait, peut-être ? peut-être pas. C’est le niveau supérieur, et si la lumière se fait plus rare, l’air y est plus dense, le vent le contient, le porte, tu ne le sens plus, mais tu ne sens plus grand chose et c’est tant mieux, n’était-ce pas ce que tu cherchais, après tout, non, rien. Rien, pas même un mince espace entre les pierres, par là, il aurait pu entrer un peu d’air, un visage, une main, une feuille de papier, il n’entre plus rien, il n’en sort plus de ta mémoire, et le muret le tiendra dehors, c’est entendu. Qu’en sais-tu ?
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