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Parfois, lorsque je cesse un instant de vivre au jour le jour et de survoler les heures, lorsque je cesse de ressasser le passé, je pense à mon avenir. C’est une chose à laquelle je songe rarement, qui ne m’est pas naturelle. Non pas que cette idée me fasse réellement peur, non. Je n’ai pas vraiment peur. Je suis plutôt tranquille, confiant. J’ai toujours eu cette confiance, même dans les périodes les plus tourmentées et les plus tristes de mon histoire, j’ai toujours eu au fond de moi une petite voix, la petite voix, abstraite mais claire, enfouie mais intelligible, fragile mais durable, familière… qui me disait, sans mot, uniquement par des souffles réconfortants, qu’il fallait avoir confiance. Qu’il fallait tenir le cap, et préserver le sourire intérieur, toujours. Lorsque je songe à mon avenir je ne pense pas nécessairement à la mort, je ne sais pas quand elle arrivera, demain ou dans 60 ans, elle arrivera le jour où elle devra arriver et je suis prêt déjà. Je ne pense pas à la mort mais je pense à ce que je deviendrai. Je me demande si des gens s’intéresseront à moi encore. Je me demande si je trouverai l’amour, ou bien si celui-ci restera toujours une sorte d’étrange lubie qui n’est pas faîte pour moi. Pas cette forme d’amour là en tout les cas. Peut-être est-ce une porte de sortie illusoire. Ce que j’aime, c’est la liberté et la vérité, j’aime le grand large, les grands paysages, les forêts. J’aime le sentiment de la liberté et l’émotion de la vérité. J’aime les paysages non pas pour fuir le monde, parce que je préfère les paysages à la civilisation, simplement.
Je suis à la recherche de ma vérité intérieure. À la recherche de cet être vivant en moi que la civilisation n’a pas totalement encore réduit en cendres. Je regarde mes amis, mes connaissances, les gens que j’ai croisé, que j’ai aimé ou que j’aime encore, et je vois distinctement, la vague les emporter dans le ressac, je les vois perdre quelque chose qui est eux-même, et qu’ils pouvaient laisser s’exprimer quand ils n’étaient pas loin de moi.
Toujours je dois prendre mes distances, je représentais à leurs yeux une vérité qu’ils ne voudraient pas toujours voir. Comme s’ils craignaient ce qu’il y a au fond des choses. Pas tous. Il y en a encore qui sont attachés encore et je les aime tellement pour cela. Il subsiste des gens qui ne m’ont pas totalement oublié. Certaines personnes me voient comme un être bizarre. D’autres, comme quelqu’un de très simple et ordinaire. Je crois que je suis les deux. Les tourbillons à la surface cachent la simplicité et le calme du fond marin. Les tourmentes de passage cachent un calme intérieur, une certitude, une confiance. Les histoires inventées cachent la vérité de ce que je suis.
L’existence chemine et je suis quelqu’un de solitaire. J’aime la solitude plus que tout. Pour y taire les bruits du monde. Comme je l’ai dit tellement de fois, je ne la crains pas, je la recherche. Parfois j’ai eu peur, parfois je ne pouvais plus, mais cela est passé. J’ai passé, et cela est récent, le cap qui m’a fait grandir. Cela se ressent partout. J’ai eu peur de mourir dans cette solitude. J’y ai vu le creuset de la mort. Maintenant, c’est tout l’inverse. Le cristal était dans la cendre. Le soleil était dans le noir de l’univers. J’ai traversé le voile de nuit la peur au ventre, perdu, croyant y laisser ma peau pour de vrai. La lunette du fusil du chasseur était fixée sur moi. Mais il n’a pas tiré. Je crois que le chasseur a souri et m’a laissé aller là où je voulais aller. Parce que je le méritais. Derrière le rideau j’ai découvert les signes qui mènent à ma vérité.

Je parle de moi, non pas par égocentrisme imbécile, mais pour raconter mon histoire, c’est tout.