I
HETEPHÉRÈS
Tu as trop nourri le feu
qui ne veut plus s’éteindre
l’embrasement débute
II
INETKAES
C’est par les mots que j’ai tu que
je t’invoque
toi transparente
toi évanouie, quasar beau et clair
et quasi semblable aux statues enfouies dans le sable
je t’invoque et te crée par l’âme et le rire
et la matière brillante des rives ployées
à coups d’astres s’élevants sur l’eau
par-délà les murs
les thébaïdes les pays sortilèges
l’attirail désordonné des proies
et des anges fertiles légers
un serpent remonte la colonne de tes jours
toi enfantée par le marbre et la roche
densifiée des parois
le calcaire et la ronce m’ignorent
III
ÂNKHESENAMON
et dans cette ignorance qui est
ton écume même je m’infiltre
moi sourd et aveugle
esseulé comme l’âtre
guidé par un entrebâillement vers luisants de la terre
je suis le chemin de tes mouvements
je dessine sur le fronton une vie tout entière
dédiée à la multitude
aux renaissances âpres consistantes
délesté de ces mirages de ces orfèvres vaguants
pliables et vaporeux dans les déserts
libre ainsi que les constellations sans nom
libre de désarmer décrépitudes, dialogues
sourds entre deux pierres
d’enfreindre chaque portion de ces lisières
Ivre de passer la main sur le continent
de ta chair soulevée ivre d’effacements
de perditions d’enchantements
d’acharnements
IV
MÉRESÂNKH
Tu me disais
c’est aux morts qu’il faut aller raconter la vie
et toutes les choses désuètes et pleines
et remplies de vigueur de tendresses automnales
c’est aux enfants qu’il faut parler
de la nuit des prières, de toute vanité
ton rêve est irisé à la brisure
y passent les étoiles le sable blanc des météores
ton rêve échancré comme l’onde où le recueil dormait
un esprit distant secret émane quelques mots
c’est le temps que tes bras rendent plus fertile
les jours vont dans ton sang se multiplier
ils vont dans ton ventre comme les déserts et moi
je parle aux morts entre les pierres
pour leur raconter ce que c’est que d’être et de rester
je te parle à toi qui n’écoute que le vent
lesté peiné de tant d’avalanches désuètes
le ciel a cette teinte que ta bouche désaltère
et j’ai crû voir un semblant de pluie sous tes arcades
regarde comme les hommes détournent les yeux
sitôt que nous leur adressons nos paroles indolores
j’ai soif en lieu en place de ton visage
V
HENOUTIMRÊ
J’ai soif une nuit
mille nuits toutes ensemble rassemblées
J’ai soif comme si perpétuellement j’avais cessé de boire
je te regarde et je vois la distance s’agrandir
me démunir inexplicablement
je devine un ciel dénué d’étoiles m’engloutir
si je me retourne
sur les champs les ruines
un jour m’attend quelque part entre deux rives
entre deux phrases glissées dans la bouteille
cette servitude n’a jamais cessé de nous ennoblir
mais je peux plus m’empêcher de t’écrire et de parler
tout un monde un instant s’est nourri de ton rire
comme deux vasques englouties
comme deux amarantes enchâssées dans la lumière
tu n’as pas fini de danser près du feu que j’ai construit
je brûle j’ai soif une nuit
mille nuits toutes ensemble rassemblées
VI
AHNOTEP
Comme élégante est la prière
comme diamétralement opposée est la nuit
tu te joues des obstacles et des énigmes
comme d’autres des manèges incertains lointains
je pourrais m’anéantir là sur-le-champ dans les calendes
ensevelies constellées ignifugées
sur-le-champ tout contre ce souvenir aux contours maculés
écarter les rideaux déplacer les statues
les flux les gestes me sont tour à tour destinés
je te regarde par la coupure
t’atteindre est comme le rêve mouvant
d’un enfant démiurge
j’ai dépassé le promontoire où les sirènes
ont fait vœu de silence
laisser passer le chant désespérément
la mémoire l’éphémère
te posséder est comme animal ébloui
qui va indistinctement
remuer ciel et terre pour un peu de ton firmament
VII
ASALKA
Tout le repos m’est étranger interdit
je tremble à mesure que tes doigts me demandent de me taire
la vie s’épaissit dans ce cœur que j’ai crû mort
j’ai mon château à combler infime que tu abrites
jonché jusque dans le repli
un territoire à léguer à l’enfance
je suis fou de vouloir être sauvé
chaque minute détaillée dispersée
en fractales converge vers ta saison propre
je suis le détenu et le gardien, la paupière de tes étendues
le chien de tes traineaux
et je mêle au vent les arrondies de tes voyelles
distinctement légèrement
ainsi que le navire va s’aveugler lentement
chassant de magellan l’impossible voyage
le soleil par la serrure pénètre mon sang
combien de convulsions
combien de naufrages pour un ensoleillement
Photographie : Herbert Matter – Woman with Beads-1948
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