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Je crois qu’elle faisait mine d’éclore. Elle tordait son crayon sur le papier. Griffait la page avec son hameçon, fleurant le vers à soi. Rarement elle mordait à l’âme mais quand ça arrivait, on pouvait dire qu’elle en avait braconné un beau, de poème millésimé, avec ses virgules incisives. C’était du feu d’artifice comme on en fait plus, les mots faisaient dans l’émotion, à n’en plus finir. Elle ancrait au bout de ses lignes des points énormes, des « points d’eau » qu’elle appelait ça. Tant est si bien qu’on avait envie d’y plonger dedans avec elle. Elle disait « Fini la blancheur inconsidérée… ce que je veux maintenant, c’est la partition… la symphonie. Je vais la noircir ma page avec ma musique ! ».
Ce qu’elle voulait c’était siphonner le ciel, avec les étoiles et tout le tralala, elle voulait des beaux poèmes, des bancs de mots fertiles, des phrases à s’en émouvoir la panse. Penses-tu elle n’y allait pas de main morte. Jusqu’à la ligne finale qui faisait tinter le carillon du coeur.  » C’est le collecteur de rêves qui m’inspire. Le porteur de lueurs. Le facteur. Mais le vrai. Celui qui a la clef de toutes les boîtes aux lettres. Surtout celles qu’on n’ouvre pas « .

Mais pas toujours. Certains jours ses poèmes ne me faisaient ni chaud, ni froid. À moins que ce soit ma faute. J’avais pas le coeur à lire, parfois.