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cher hurlante nova, ce texte n’est pas médiocre, il n’est pas
mon meilleur non plus, je devine encore dans
ses cendres fumantes une odeur de bois qui fût
autrefois porteur d’enfants j’entends encore
leurs jeux dans ce bois mort
je sais qu’au moment de l’écrire, je me sentais boiteux
et que ce bruit de canne sur le parquet s’entendrait
très distinctement dans le texte et romprait le silence et le sort
je l’ai penché tout de même au-dessus de son balcon
en le tenant par la manche pour ne pas qu’il y tombe trop bas
je n’étais pas tout à fait léger
porté je ne voulais même pas écrire je me suis forcé
pour exister pour me venger des lâchetés du jour crû
dans le vide et dans le brouillard
sans lumière à portée j’ai provoqué le sort qui m’a répondu bégayant
tout crevé renfrogné qu’il était
joué au mime j’ai pas mis ma peau sur la table je le sais bien
c’est parce qu’il n’y avait que du néant de la pesanteur
que j’ai comblé comme je pouvais en mimant l’ascension
j’ai que du vent à foutre dans mes textes actuellement
trop de choses me gènent trop de choses aglutinées
et je m’extirpe doucement d’une certaine déchéance sentimentale
mentale ponctuelle et noire
et récente et bientôt évanouie
bientôt changée en lever du jour
bien agencé avec tout mon respect hurlante nova j’en ai rien à faire
peu m’importe l’agencement et que des wow s’agitent et poussent
sur la scène, dans l’esprit du lecteur quand
je n’ai pas moi-même été ensorcelé
pris dans une féerie centrifuge, svelte et rapide
sur ses lests, que je ne me suis pas rendu
à moi-même étranger, pourtant
extrêmement familier
j’ai conscience complètement de la valeur de ce texte
qui n’est à l’heure actuelle qu’un petit rien du tout
un foetus
qui n’a pas cassé le mur
à travailler travailler oui mille fois oui
peut-être mille fois peut-être
non mille fois non
jusqu’au prochain texte qui reléguera au placard
les étoiles et les mouches mortes cher hurlante nova toi qui as
le talent de mille écrivailleurs réunis je vois
que tu connais et exerce l’art du jeu, de la maïeutique
socratique me permettras-tu peut-être plus tard ou dès maintenant
to qui penses avoir connu tous les kamtchatkas de ton être je crois
qu’il reste encore quelques territoires ou aucun drapeau
n’a encore été planté dans ce qu’on appelle encore parfois
en tremblant la littérature aurais-tu le talent
dérisoire démoniaque et sacré d’aller les visiter
méfie-toi de l’image que tu te fais de moi tu me vois intelligent
quand je suis bête comme un clou
je sais que j’ai du feu à te voler un feu particulier
de folie fertile d’absence de craintes, de fluidité d’ampleur toutes ces choses
dont je souffre la carence
je voulais te dire je crois que tu te répands trop
je crois que ce qu’il te manque c’est quelque chose
d’ancestral de solide une histoire presque sacrée que tu la recherches
sans cesse et que cette absence de socle unifié est ta faiblesse
et ta force unique dans l’écriture je veux dire et donc
dans ce que tu crées et comme tu te crées toi-même sans cesse c’est de toi qu’il s’agit, tu cherches une chose
partout sauf là où elle se trouve pardonne moi si je me trompe
et cet état de choses te fait étinceler mais t’éparpiller
tu pars à droite à gauche tu fais doute dix choses à la fois
presque toutes taillées finies quand d’autres péniblement n’en font qu’une
ce qu’il te manque c’est une discipline de condensation, de
concentration de réduction comme par exemple
dire en dix lignes seulement des choses infiniment plus puissantes et raccords que dix pavés impressionnants
violents massifs convulsifs, sophistiqués mais en fin de compte
poudre aux yeux
poudre aux yeux
et ne résistant pas au temps car dénués de l’âme universelle dénués de sa simplicité primitive qui est
sa caractéristique première féconde et sublime
et disant ceci je me rends compte que tu parles beaucoup
de toi-même dans tes messages et c’est très certainement mon cas aussi
j’apprends aussi et construis au fur et à mesure
pardonne ce délire en réponse, je pourrais
répondre de façon tout à fait ordinaire et banale
tout à fait posément et de façon compréhensible
mais c’est pour faire croire au génie et parfois, ça marche