Sélectionner une page

Je tends le bras, j’allume la lampe halogène blanche qui repose sur mon bureau. Le bureau sur lequel je m’appuie est en aluminium, un aluminium d’industrie, avec des stries sur les côtés. Le bord est coupant, ces feuilles collées les unes sur les autres dont est faîte cette table parfois peuvent vraiment couper si on frotte trop l’intérieur de l’avant-bras (la partie la plus tendre de l’avant-bras). Mon regard croise un paquet de cigarettes qui traîne à droite, là où habituellement je pose mes objets utilitaires comme les clefs, le porte-feuille. Tous ces objets sont posés sur une feuille épaisse et granulée de dessin. On peut y voir un une figure tracée à la craie blanche que j’avais offerte à la fille et qui devait la trouver plus ou moins intéressante, dans le but de me souvenir, elle l’avait laissée-là. J’ouvre ce paquet et j’en sors une cigarette qui n’est qu’un détail dérisoire, tremblant de plaisir pour ce qui vient —la présence de cette joie, même distante, me fait déjà trembler, mais vous ne me verrez pas, je suis seul quand cela se produit – tout ça parce que je n’ai pas d’amoureuse — dans mes lèvres, attendant quelques minutes avant de l’allumer. Je commence déjà à réfléchir à la musique que je veux écouter. Je ne veux pas entrer dans cette sorte de transe, pas ce soir. Ça coupe l’inspiration, ainsi que les excès de ressenti, désamorcent le jaillissement. Et commence la promesse. L’espace d’une minute, peut-être, je fais appel à moi-même, je pose ma peau sur la table. Je ne suis plus rien alors et je ne parle plus car ce n’est pas à moi d’aller la chercher, c’est à elle de venir me prendre. Si elle le désire (car ses désirs sont changeants et fluctuent) et je prie un peu, au fond de moi, dans une sorte de langue instinctive et familière que le temps s’arrête, que toutes les heures de désespoir qui tissent mon quotidien fécondent les minutes de merveilleux. Je réfléchis et mon cœur s’accélère, sans raison apparente et la vie tout entière entre par la brèche comme un courant d’air frais.

Beauté de l’accident.